Quel dessein poursuivons-nous, sinon de faire éclore le chant de l'âme ?
Les anciens alchimistes, nos prédécesseurs, n'avaient pas pour rien donné à leur grand œuvre le nom d'art de musique.
Changer les pierres muettes, massives, opaques que sont souvent les humains en instruments vibrants ; pour cela, creuser les corps, les tendre de cordes faites d'une sensibilité affinée par l'exploration intérieure, jusqu'à ce qu'elles résonnent du souffle montant du fond : tel est le programme dont l'Alchimie, qui est la Nature créatrice, a fait de nous les exécutants.
S'il se réalise, le fracas métallique de nos cités se doublera d'une musique secrète qui finira par le transmuer en harmonie, comme jadis les fauves furent apaisés par Orphée. Cette musique sera celle d'êtres frémissants au vent de l'inspiration, vivantes harpes éoliennes.
Entrer dans la voie de la transformation avec un compagnon ou une compagne qui nous dirige vers nous-mêmes, c'est nous ouvrir à une irradiation, celle qui émane de la profondeur de l'âme. Une musique silencieuse naît alors, et c'est la musique des sphères que Pythagore entendait.
En chacun, le chant possède un timbre et un registre originaux : l'unique souffle créateur, traversant des canaux multiples, se diversifie pour former une symphonie, une cantate d'amour. Il aura fallu pour cela et il aura suffi que des individus se placent dans un champ de vibrations qui est leur propre essence intime, bain de régénération et source de musique. On le nomme aujourd'hui, sans doute par antiphrase, «inconscient».
Là, les instruments muets deviennent sonores. Le royaume des enchantements est désormais leur pays. La vie humaine devient mélodie, poème, danse de mort et de vie, danse d'amour, arrachée à la grisaille et à l'absurde, pour se faire valeur et signification, harmonie et parfum.
Etienne Perrot ( extrait de l'émission "Parenthèses" de Jacques Chancel réalisée par 1983)
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